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Martha Stewart

La reine du bon goût et de l'Art de Vivre à l'Américaine !

 

Cette femme de 57 ans, qui semble alimentée par une pile atomique et dont jamais un seul des cheveux blonds n'est décoiffé, règne en effet sur un empire qu'elle a érigé seule et qui pourrait rapidement peser plus de 20 milliards de dollars - ce qui la placerait parmi les plus grosses entreprises américaines. Elle est citée, cet automne, par le magazine Vanity Fair parmi les 20 personnages les plus importants dans le secteur de la communication, en compagnie de « pointures » comme Bill Gates. Son domaine : le bon goût. Ou, plus exactement, la perfection domestique. Son but simplissime : rendre la vie plus belle.

En quelques années, Stewart est en effet devenue la grande prêtresse de la maison, dispensant aux Américaines ses conseils, de la peinture aux menus élaborés en passant par le jardinage et la couture. Grâce à elle, la perfection des hôtesses de la haute société WASP des romans d'Edith Wharton est à la portée de Mme-Tout-le-Monde. Ainsi, pour Stewart, un potage est beau plutôt que bon. « Avec elle, il ne suffit pas de servir à vos invités une soupe au potiron. Encore faut-il la présenter dans une citrouille évidée et dorée à la main», ironise, à partir de vrais exemples, Margaret Talbot, auteur d'un essai critique sur la reine du bon goût. La perfection que Martha Stewart recherche est tellement hors d'atteinte pour toute personne ne disposant pas d'une armée de serviteurs ou ayant l'impudence de dormir plus de quatre heures par nuit (comme Martha elle-même) que, pour la plupart de ses adeptes, il s'agit d'abord de rêver d'une vie plus élégante qui permet de supporter la banalité du quotidien. C'est la clé principale de son succès. « Etre un adepte de Martha, c'est comme acheter une de ces machines pour faire de l'exercice chez soi et se sentir immédiatement remis en forme même si l'appareil sert surtout de porte-manteau », explique l'écrivain John Mac Cabee. En tout cas, sa parole est d'Evangile. Fait-elle l'éloge des hydrangeas à la télévision que les fleuristes sont en rupture de stock le lendemain. Expose-t-elle une recette de guacamole (une purée d'avocat) avec une restauratrice new-yorkaise que la file d'attente qui se forme devant le restaurant fait carrément le tour du pâté de maisons.

Impossible d'échapper à Martha Stewart. Elle est omniprésente. Ses activités sont d'ailleurs regroupées sous l'ombrelle d'une organisation baptisée Martha Stewart Omnimedia. Rarement une entreprise aura autant mérité son nom. Il y a d'abord le magazine, Martha Stewart Living. La bible qui diffuse la bonne parole et les recettes, avec 5 millions de lecteurs. Au menu : comment réaliser un bonhomme de neige ou comment construire une pyramide de fruits inspirée du XVIIIe siècle français pour le milieu de table.

Le magazine, qui a rapporté 10 millions de dollars l'année dernière, est la déclinaison de ses livres (13 au dernier compte), tous des best-sellers. Son premier opus, « Entertaining » (« Recevoir »), publié en 1982, en est à sa 29e édition.

Sa rubrique quotidienne « AskMartha », publiée dans 200 quotidiens, touche 200 millions de ses compatriotes. Une émission de radio du même nom vient compléter le dispositif, ainsi qu'un site Web qui reçoit 550 000 visiteurs par semaine (sans compter les sites officieux de ses fans et de ses détracteurs). Elle prêche également six jours par semaine sur CBS et, en plus, fait des apparitions tous les mardis matin dans une autre émission du network, sans compter les specials sur cette chaîne. Deux professeurs de la Pennsylvania State University qui travaillent à un ouvrage sur elle affirment carrément que son influence est aussi importante que celle de Thomas Jefferson, le 3e président des Etats-Unis, lui aussi jardinier et architecte de sa résidence de Monticello. Pour compléter le dispositif, Stewart a lancé une entreprise de vente par correspondance. « Supposons que notre public soit de 20 millions de personnes, a-t-elle expliqué au magazine Time. Si, pendant les quatre prochaines années, chacune dépense chez nous 1 000 dollars, c'est un business gigantesque. » 20 milliards de dollars, précisément. L'ancien agent de change n'a pas perdu le sens des affaires en abandonnant Wall Street.

Née dans le New Jersey dans une famille d'origine polonaise (son nom de jeune fille est Kostyra) qui compte six enfants, elle apprend les deux mamelles de son succès à la maison : la cuisine, avec sa mère, un professeur de lycée, et, dès l'âge de 3 ans, le jardinage, avec son père, un représentant en produits pharmaceutiques. A l'université, la jeune femme blonde obtient une licence d'histoire en même temps qu'elle gagne sa vie comme modèle. Elle travaille à Wall Street mais finalement abandonne la finance pour ouvrir une affaire de traiteur « qui lance sa carrière d'arbitre du bon goût », comme l'explique sa biographie officielle. Elle trouve quand même le temps de faire un enfant, mais, sans doute lassé de la perfection, son mari divorce après vingt-neuf ans de mariage. Martha possède six maisons, dont certaines classées monuments historiques, et roule en Jaguar XJ6.

Une autre clé du succès de Martha Stewart est de s'attaquer au créneau de M. Tout-le-Monde. Ainsi vient-elle de signer avec le géant de la distribution Kmart un contrat qui lui permet de toucher d'un seul coup les 70 millions d'Américains qui font leurs courses dans ses supermarchés. Les recherches de la chaîne ont montré que ses clients avaient plus confiance en Martha qu'en leur propre médecin. La diva du design vend désormais trois lignes de linge de maison à des prix abordables. Kmart estime que « Martha's World » (le nom du coin spécialement aménagé pour elle) devrait cette année dépasser le milliard de dollars.

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